Jean Lombard a exposé rue de Seine, rue Mazarine ainsi qu’à la Mairie de Paris.
JEAN LOMBARD SELON GERARD XURIGUERA
Peintre depuis son adolescence, sa formation consommée, Jean Lombard n’a pas hésité à défier les apparences, pour s’engager résolument dans la voie de l’abstraction. Une abstraction effervescente et remuée, dont la courbe lyrique véhicule des accents informels et des inflexions graves, voire dramatiques, que reflètent les feux assourdis de ses compositions, conséquences d’une structure mentale psycho sensitive perméable aux dérèglements du monde. Mais c’est avant tout la vie dans toutes ses postures et l’énergie dont elle est porteuse, qui connotent l’ensemble de son parcours, car l’homme, urbain et convivial, est plutôt de nature optimiste.
Outre la suprématie de la couleur, tout se joue ici entre les passages tourmentés d’une matière froissée et la brutalité expressive des fonds, l’harmonie policée ou véhémente de la touche et la percussion des signes, où les convergences et les dissonances ne nuisent pas à l’équilibre de cette grammaire éruptive.
En conciliant ces pôles parfois antagonistes, Jean Lombard, dans sa synthèse des opposés, se montre à la fois passionné et comptable de son effusion, en ce qu’il ne se laisse aller à aucun abandon. Compactes, élimées, foisonnantes ou dépouillées, ses déflagrations brassées, ventilées par des sortes de bourrasques, induisent une écriture dense et griffée, davantage pulsionnelle qu’étudiée, qui procède de ce que la peinture fomente de plus relatif et de plus affirmé, de plus spontané et de plus ambigu, à l’égal de la vie, transitoire et tangible.
C’est donc par l’émission instantanée de son geste, fondateur, que s’articulent les unités éparpillées ou resserrées de ses toiles, fédératrices de ses inquiétudes intérieures. Déjà DELACROIX l’énonçait : « La peinture n’a pas toujours besoin d’un sujet, le sujet c’est vous-même ».
Toutefois, dans ce chaos concerté, l’artiste n’a pas recours aux instances aléatoires de l’écriture automatique pour armer sa main, mais observe toujours un dosage mesuré dans la répartition de ses rythmes et de ses réserves qui font respirer ses supports. Par contre, il s’en remet à son imagination de l’espace, qui détermine l’ensemble des éléments constitutifs de ses vantaux verticaux ou horizontaux.
Et s’il a beaucoup détruit, on n’ignore pas que pour renaître, selon NIETZSCHE, il faut passer par une « destruction préalable ». La résultante révèle alors une manière plus décapée, une maîtrise et une rigueur nouvelles, que ne démentent pas les quelques peintures ceinturées de vibrants rayons concentriques, qui apparaissent comme une pause régénératrice dans son processus.
Enfin, le registre varié de Jean Lombard annexe également la photographie, qu’il pratique assidûment et associe à sa peinture, mais avec une intention particulière. Carrefours parisiens, coins de rue, nus, mannequins, vues de métropoles asiatiques... chaque image correspond à un souvenir, à un évènement, à des paramètres affectifs ou sociologiques, et conditionne le degré d’intensité de sa vision. Les nus et les mannequins par exemple, qui occupent l’amont de la surface, exigent en aval une peinture plus douce, quant aux clichés des quartiers financiers de Shanghaï, ils impliquent un rendu plus sauvage, plus crispé. Mais on y retrouve le même souffle régulateur, l’ardeur des identiques foyers chromatiques, la lumière rasante ou localisée.
Finalement, l’essentiel de cette œuvre puissante et tendue, qui a puisé son ferment dans le sillage revisité des pionniers, a de longue date gagné sa pleine autonomie. Elle est prête pour demain.
GÉRARD XURIGUERA
Biographie de Gerard Xuriguera
Gérard Xuriguera est un critique et historien de l’art français qui exerce depuis plus de quarante ans. Son intérêt pour la peinture ne l’a pas empêché de devenir un fin spécialiste de la sculpture monumentale depuis 1988 où, à l’occasion des Jeux olympiques de Séoul, il a été le « grand ordonnateur » du plus grand parc de sculptures à l’air libre du monde. Spécialiste reconnu mondialement de l’art monumental et pictural contemporain, Gérard Xuriguera est l’auteur d’ouvrages de référence sur la peinture et la sculpture. Il a croisé depuis les années 1970 la plupart des artistes internationaux. Il a rédigé les préfaces d’importants catalogues d’art et a été le commissaire de plus de sept cents expositions sur tous les continents.